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Retour sur les 20 ans du crash du Concorde

                                               

 

La chute de l'oiseau blanc

INTRODUCTION

S’il est bien un accident d’avion qui a marqué le secteur, tant pour son bilan dramatique que pour les conséquences industrielles et l’empreinte qu’il a laissée sur le monde aérien, c’est cette tragédie survenue il y a 20 ans dans la petite commune de Gonesse. 
 

Le 25 juillet 2000, le Concorde du vol Air France 4590 s’aligne sur la piste 26R de l’aéroport de Paris Charles-de-Gaulle avec 100 passagers et 9 membres d’équipage à bord. Comment se douter alors qu’1 minute et 28 secondes plus tard, une lamelle de 43 centimètres aura transformé l’industrie aéronautique à jamais ?

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A l’occasion des 20 ans de la catastrophe, Flyinstinct vous propose de revenir sur cet événement, ses conséquences pour le secteur et la place qu’occupe aujourd’hui la gestion des FOD (Foreign Object Debris) sur le plan de la sécurité des plateformes aéroportuaires.

Le Concorde F-BTSC 15 ans avant l'accident, image de Michel Gilliand sous licence GNU Free Documentation Licence

43 centimètres aux conséquences dramatiques

Les causes de cet accident et les faits sont de notoriété publique tant ils peuvent être expliqués simplement. Le Concorde du vol AF4590 s’engage sur la piste 26R et entame son décollage 5 minutes après le passage d’un DC-10 du Vol 55 Continental Airlines. Problème, ce DC-10 a malencontreusement laissé sur la piste une lamelle en titane de 43 centimètres de long provenant du capot de l’inverseur de poussée. Cette pièce, habituellement composée d’acier inoxydable, avait été mal découpée et fixée par un mastic non prévu à cet effet.

La lamelle métallique qui a causé l'accident, photo issue du rapport du BEA (Bureau d'Enquêtes et d'Analyses)

Le pneu roule sur la lamelle pendant l’accélération, est entaillé et éclate. Un morceau de 4,5 kg de caoutchouc est projeté sur l’aile. Si cette dernière n’est pas perforée, l’onde de choc fait varier brusquement la vitesse du carburant et entraine une surpression qui fait éclater le réservoir : c’est le phénomène dit du coup de bélier hydrodynamique. La fuite est importante puisque d’un débit de 75 litres de carburant par seconde. Le moteur 1 est inondé tandis que le circuit électrique dans le puit de train principal gauche est endommagé, empêchant le commandant de bord de le rétracter. Le carburant s’enflamme et les moteurs 1 et 2 perdent de la puissance. Le commandant tente de rentrer le train sans succès. L’équipage coupe alors le moteur 2, l’avion est à 60 mètres du sol avec une vitesse trop faible. Le pilote réduit volontairement la puissance sur les moteurs 3 et 4 pour contrer la dissymétrie de poussée. A ce stade, l’avion n’a plus assez de puissance pour conserver sa vitesse et son altitude. 

Le Concorde en feu prenant son envol, photographié par un passager d'un Boeing de Japan Airlines en attente de décollage (PHOTO: TOSHIHIKO SATO, AP)

Il s’écrase sur un hôtel à Gonesse, moins d’une minute et trente secondes après le décollage. Les passagers et membres d’équipages sont tués sur le coup, ainsi que 4 employés de l’hôtel. Ce drame restera le seul à avoir impliqué un Concorde.

La fin du premier fleuron de l'industrie aéronautique européenne

Si cet accident a malheureusement marqué par sa gravité, il a profondément transformé le secteur. Surtout, il a signé le début de la fin du Concorde qui avait eu des antécédents. Le 14 juin 1979, un pilote avait dû faire demi-tour à la suite de l’endommagement d’un réservoir généré par l’éclatement d’un pneu, qui n’avait cette fois-ci pas entraîné d’inflammation.
A court terme, le jour même de l’accident, le ministre des Transports Jean-Claude Gayssot décide d’interdire l’avion de voler en France. Les certificats de navigabilité (équivalents à un permis de vol) sont suspendus quelques jours plus tard, entraînant l’interruption des vols de British Airways. De nombreuses modifications techniques telles que l’ajout de Kevlar à l’intérieur des réservoirs, une amélioration de la protection des circuits électriques des train principaux et la mise en place de meilleurs pneus sont nécessaires pour rétablir les certificats. Le Concorde reprend son envol le 7 novembre 2001.
Néanmoins, l’avion continue de rencontrer divers problèmes au cours de l’année 2002, l’incident le plus grave étant une perte de gouverne d’un Concorde de British Airways lors d’une descente vers JFK en novembre de la même année. Les deux seules compagnies qui l’exploitent, Air France et British Airways, déclarent le 10 avril 2003 qu’ils retireront leurs Concorde en fin d’année.

Mémorial situé sur le lieu de l'accident à Gonesse, photo de Mike McBey sous licence Attribution 4.0 International (CC BY 4.0

La fin d’exploitation n’était pas prévue avant 2007, mais cet accident a accéléré les choses. Les raisons évoquées en 2003 pour justifier l’arrêt du programme sont nombreuses. 
 

D’abord, et comme nous l’avons expliqué, il a fallu apporter de nombreuses et onéreuses modifications à l’avion après le crash de Gonesse. Ce dernier entraîne ensuite une diminution du nombre de passagers. Les attentats du 11 septembre accentuent la baisse de fréquentation de la classe affaire et le conflit irakien termine d’amener les taux de remplissage à des valeurs bien incapables de rendre l’exploitation rentable. Quelques semaines avant l’annonce du 10 avril, ces derniers descendent sous les 20%. La veille, 12 passagers prennent place à destination de New York, pour un total de 92 sièges.
 

L’augmentation des coûts de maintenance, de 72% la dernière année d’exploitation, et du carburant a également contribué à précipiter la fin du supersonique. Ce type d’appareil consomme 3 fois plus par passager que les vols subsoniques.

Une raison qui n’est pas toujours évoquée se trouve dans les fortes nuisances sonores qui ont restreint son exploitation. Dès 1973, la FAA (Federal Aviation Administration, l’autorité de sécurité de l’aviation américaine) interdit le vol supersonique sur son territoire. De nombreuses nations font de même, de sorte que l’interdiction se généralise. L’utilisation du Concorde sur un vol qui ne se déroule pas majoritairement au-dessus de la mer devient peu pertinente, et les compagnies américaines qui envisageaient un achat se désengagent. Les Etats-Unis se révéleront assez hostiles à la technologie supersonique et l’autorisation d’atterrir à New-York ne sera obtenue qu’après une longue bataille juridique contre l’Autorité portuaire de New-York et du New Jersey, entre 1976 et 1977.

Un des Concordes restants, exposé à l'Aéroport Paris Charles-de-Gaulle

Quoiqu’il en soit, l’avion ne permet plus de profit après le crash et son exploitation structurellement déficitaire implique alors une perte de 30 à 50 millions d’euros par an. Le dernier Concorde se pose à Heathrow le 24 octobre 2003.

20 ans plus tard, les FOD toujours au cœur des enjeux de sécurité

Les conséquences de cette lamelle de 43 centimètres sont aussi impressionnantes que dévastatrices pour le projet Concorde. L’accident a attiré l’attention du grand public sur les menaces qu’engendrent les FOD (Foreign Object Debris) sur les plateformes aéroportuaires. 20 ans plus tard, ils restent toujours un enjeu de sécurité primordial pour lequel les méthodes de lutte et de réduction des risques restent simplistes et peu modernes.

Une étude « The economic cost of FOD to airlines » réalisée en 2008 pour le site www.fodnews.com par Insight SRI Ltd. estimait que les FOD coutaient 263 000 dollars en maintenance directe tous les 10000 vols. Les dépenses totales au sein des 300 premiers aéroports atteindraient 1,1 milliard de dollars. Prendre en compte les dépenses indirectes telles que le coût des retards, les changements d’avion ou le gaspillage de carburant reviendrait à multiplier ce nombre par 10.

Des exemples de FOD retrouvés dans les pneus par les fabricants

Mais dans ce cas, quelles sont les solutions et innovations envisagées pour lutter contre la menace FOD ? Toujours d’après l’étude, les compagnies considèrent ces dépenses comme inhérentes à leurs activités. Par exemple, les contrats de pneus sont tarifés pour prendre en compte les remplacements dus aux dommages causés par les FOD. Il est néanmoins certain que la disparition de ces derniers permettrait d’améliorer significativement la sécurité sur les plateformes et de diminuer fortement certains coûts de maintenance des compagnies.

Aujourd’hui, les aéroports ont l’obligation d’inspecter leurs pistes. Ces inspections sont visuelles, réalisées par des agents qui ont bien souvent d’autres missions telles que le péril animalier, l’inspection balisage, le SSLIA (Service de Sauvetage et de Lutte contre l’Incendie des Aéronefs). Cette mission chronophage est bloquante pour les opérations puisque l’inspection la plus importante est celle de la piste. L’œil humain n’étant pas infaillible, un deuxième passage est régulièrement effectué si jugé nécessaire. Pour résumer, les inspections sont chronophages pour équipes sur les plateformes et les opérations. La solution réside peut-être dans l’assistance à la détection que la technologie et l’Intelligence Artificielle peuvent apporter, notamment via la détection par superposition d’images optiques capturées par un système mobile comme le propose Flyinstinct.

Un exemple de véhicule d'inspection classique, sur lequel le système Flyinstinct a été installé

Ainsi, les conséquences de ce drame et les enjeux liés aux FOD sont toujours d’actualité. Si le grand oiseau blanc a cessé de voler il y a bien longtemps, son ombre continuera de planer sur le secteur pour rappeler à tous le symbole qu’il a été et qu’il restera. Celui d’une industrie qui sait repousser ses limites et s’adapter, pour le meilleur et pour le pire.

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